L'HORREUR DANS LE MONDE

Publié le par jerôme B


Le Monde dimanche 3 et  lundi  4 février 2008undefinedPHOTO ALI YUSSEF /AFP. ARTICLE PATRICK CLAUDE
On ne peut qu'éprouver un sentiment d'horreur en découvrant la photo qu'a décidé de publier Le Monde pour rendre compte des derniers attentats suicide survenus sur deux marchés de Bagdad le 1er février dernier. On peut évidemment s'interroger sur les raisons du choix de l'atrocité la plus insoutenable. L'explication ne réside pas, de mon point de vue, dans le compte rendu de la barbarie ordinaire qui déchire et ensanglante l'Irak depuis des années pas plus que dans une stratégie de communication des terroristes, cette photo étant celle d'un reporter photographe d'agence. Abruptement on dira que le sujet n'est pas la tête séparée de son corps.
Non. Le sujet ce sont les trois appareils photo (ou téléphones portables ?) tendus à bout de bras par trois hommes qui semblent ne regarder que l'image rendue par le petit écran LCD de leur appareil. Leur  concentration (convergence des mouvements, fixité du regard) fait froid dans le dos.
On peut se perdre en conjectures sur les raisons de cette terrible application à fixer à tout jamais l'insupportable. Mais la question posée par cette photo est avant tout celle du voyeurisme de notre époque. Elle met en abyme la vertigineuse succession des voyeurs: moi qui regarde la photo publiée dans le journal, photo prise par un reporter qui regarde des hommes en trainde regarder l'écran qui affiche l'image que saisit l'objectif de cette tête ensanglantée, pour la photographier... Vertige. Nausée. 
Et la question se pose: où est l'effroyable ? Dans la tête sans corps ? Sans doute. Mais que penser de cette perte de sens et de repères (appelons ces repères le respect, la pudeur, la morale, l'éthique) qui fait d'un quelqconque quidam muni du moindre téléphone portable un charognard sans vergogne. L'acte délibéré et froid du photographe prime sur les larmes, l'indignation, la révolte ou la simple pitié.
La photo nous parle donc de ce monde de vautours qui se repait des potins sarkoziens ou de l'abomination la plus abjecte. Je veux croire que c'est pour nous amener à réfléchir à cela que Le Monde a fait ce choix terrible. Et ce n'est qu'à cette condition que cette parution est acceptable.

Publié dans LES IMAGES DU "MONDE"

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