XAVIER DARCOS, LA RENTREE SCOLAIRE ET LE PRESIDENT

Publié le par jerôme B

LE TEMPS DE LA REVANCHE

Le journal Le Monde daté du 4 septembre 2008 publie, sous un titre ambigu (La foi du converti), un protrait de Xavier Darcos, actuel ministre de l'éducation nationale. Le portrait dressé par Béatrice Gurrey et celui, photographique, de Léo Crespin sont redondants: Xavier Darcos est une bonne pâte. Visage d'honnête homme assez terne, cultivé mais bon vivant, adaptable mais opiniâtre, il a la physionomie passe-partout de ces serviteurs de l'état portraiturés au cours des siècles et qui garnissent les simaises de nos musées. Il est pourtant devenu, sans faire de bruit , un membre incontournable du cercle rapproché du président qui sait reconnaître en lui les qualités de l'homme capable de devancer ses pensées.
Xavier Darcos se dit à l'aise dans la volonté de réforme qui anime le chef de l'état. Il n'hésite pas à se dire sarkoziste et a parlé, dans un article publié cet été dans Le Monde, d'"école sarkozienne". On ne peut ni mieux dire, ni mieux faire pour s'attirer les bonnes grâces du président de la République.
Mais cela signifie-t-il que monsieur Darcos est un "bon" ministre ? Qu'il le soit aux yeux de son patron, nul n'en doute. Pour ce qui est de ceux qu'il administre, c'est une autre affaire. Car le zèle réformateur du ministre tient tout simplement de la frénésie. En un peu plus d'une année, tout comme un de ses illustres prédécesseurs entendait "dégraisser", il s'est attaqué, aux personnels, au métier, aux programmes, maniant sans précautions superflues le  coupe-coupe dans un ministère jugé hypertrophié et dépensier par les actuels dirigeants. Mais c'est un élagage qui s'apparente à la déforestation amzonienne: les dégats risquent être irrémédiables.
Non qu'il ne faille pas faire évoluer notre système éducatif. Aucun enseignant, à ma connaissance, ne s'y refuse. Mais monsieur Darcos, en agissant comme il le fait, met un peu plus à mal ce qui se lézarde depuis maintenant longtemps dans l'ensemble des corps professionnels de terrain: la confiance.
Lézardée, la confiance ? Oui. Par la succession, l'empilement des réformes qui se succèdent trop vite, se contredisent, s'appuient sur des critères contestables (je pense à la dictature des critères d'effiscience européens des systèmes éducatifs et des classements absurdes qui en résultent), jouent sur la cacophonie des théoriciens ou sur l'inanité syndicale.
Par ailleurs, il n'échappe à personne que les mesures qui s'empilent sur un rythme étourdissant, ont un caractère démagogique assez consternant. Comme un écho à la méthode du président, Xavier Darcos affiche, remplit la vitrine. Car il faut séduire, convaincre l'opinion, donner à croire. La vague de mesures destinées à aider les élèves en difficulté a tout pour séduire. Problème: elle est mise en oeuvre dans une précipitation, un désordre qui prennent de court tous les protagonistes: élus locaux, enseignants, corps d'inspection sont harcelés par les courriers et les circulaires du ministre relayé par toute la hiérarchie; ministre qui, lorsqu'on lui fait remarquer que cette mise en oeuvre pose de gros problèmes, répond par un  provocateur "Qu'ils se débrouillent", digne du "Après moi le déluge" de Louis XV. Le culte du résultat est instauré en suprême principe. Gare à qui ne fait pas remonter au ministère les statistiques prouvant l'efficacité des mesures. Gare aux chiffres insuffisants.  Certains y jouent leur tête.
Les professeurs suivent tout cela avec une philosophie ou se mêle la résignation et l'inquiètude. Un certain stoïcisme aussi, ce qui ne peut déplaire au spécialiste des langues anciennes qu'est monsieur Darcos.
Que voudraient donc les professeurs ? Des directives précises qui ne changent pas tous les deux ans et lorsqu'elles changent, le fassent de manière progressive, rationnelle et étayée, je veux dire non idéologique ou politique. Ils voudraient la formation continuée nécessaire tout au long de leur carrière pour s'adapter et assumer leurs missions dans des conditions satisfaisant à l'évolution de la société et à la réflexion théorique.
Ils voudraient le respect et la reconnaissance de leur ministre de tutelle d'abord, des parents et de la société ensuite.  Ils voudraient que l'on ne joue pas les parents contre les enseignants. Ils voudraient ne pas être considérés comme des enfants qu'un hochet peut amuser, en somme, une vraie revalorisation de leur métier et non des heures supplémentaires.
Finalement ils aimeraient moins de louvoiements, moins de dissimulation, moins d'hypocrisie et plus de franchise. Ils aimeraient être considérés comme des adultes, acteurs et responsables dans leur métier...
Avec Xavier Darcos, plus qu'avec tout autre ministre, les professeurs ressentent fortement l'ambiguité de la position ministérielle et les risques forts de manipulation dont ils peuvent être l'objet. C'est fort dommage et terriblement dangereux.

Tout bien considéré, il n'est pas étonnant que deux êtres aussi différents que peuvent l'être Xavier et Nicolas s'entendent aussi bien. Ils se sont reconnus comme peuvent se reconnaître ceux que la vie a blessés et parfoir humiliés. Nicolas Sarkozi moqué, marginalisé pendant des années par tout un pan de la classe politique.  Xavier Darcos victime de la rumeur outrageante en 1982 qui l'a chassé de la Dordogne et l'a paradoxalement rapproché des honneurs et du pouvoir. Chez chacun d'eux, je ne peux m'empêcher de ressentir le besoin de revanche. C'est un sentiment respectable à conditions qu'il ne soit associé ni au mépris, ni au cynisme, ni à la brutalité. En particulier lorsque sont en jeu des principes aussi forts que ceux du service public de l'éducation.
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