CHRONIQUE DE VACANCES (6)

Publié le par jerôme B

15 AOÛT (à Saint Jean de Luz)

           Le kiosque de la place Louis XIV le soir du 15 août. Photo jfl.

Il y a de la fête dans l'air. De la fête à tout prix.
D'abord parce que, hier, il pleuvait et que demain, il pleuvra peut-être. Or ce soir, il fait beau.
Ensuite, parce que c'est le 15 août. La foule qui déambule le long de la rue Gambetta comme l'eau d'un fleuve paresseux mais intarissable semble n'avoir qu'une seule préoccupation: passer. Les deux courants, montant et descendant, se croisent en un flux et un reflux simultanés qui s'entremêlent parfois de façon capricieuse dans les étranglements de cette voie ancienne. Et la masse humaine assume joyeusement son insoucience et sa futilité entre les deux rangées de marchands du temple qui rivalisent de tentations.
Pourtant, chacun connaît la particularité de ce moment: demain ce ne sera plus tout à fait l'été. Les jours, dont la durée décline insidieusement depuis quelques semaines, vont se laisser aller sans retenue à lacher les minutes au profit de la nuit. Et chacun aura le sentiment de se mettre à dévaler la pente qui conduit à l'hiver. Le 15 août, c'est comme le 31 décembre: une rupture, un tournant.
Alors, il faut en profiter. Sur la place Louis XIV, au milieu des platanes et des terrasses de cafés grouillantes de monde, le kiosque à musique remplit sa fonction: un orchestre installe sa panoplie rutilante. Cuivres, guitares, batterie, micros, amplis, fils, spots. Les musiciens et chanteurs s'affairent aux réglages de dernière minute. Quelques notes orphelines s'échappent du clavier ou d'une corde pincée. La foule, curieuse, s'agrège autour de ce piédestale pour orphéons belle époque. Mais ce soir, ce sera du rock, de la pop, de la zique à deux sous. Y'en aura pour tous les goûts.
Point de tapage pourtant. Les gamins excités font plus de potin que ces musiciens étonnamment discrets. Ils virevoltent autour du kiosque comme les phalènes autour de l'ampoule.
Derrière la rumeur de la place, l'écho des cantiques. L'église Saint Jean Baptiste profile sa masse trapue dans la lueur d'un pâle éclairage. La lumière est à l'intérieur. Les fidèles s'y entassent, dans le  choeur, dans les galeries. Et leur masse déborde par l'entrée jusque dans la rue. Et les hymnes chantés à la gloire de Marie éclatent, amplifiés par la caisse de résonnance de la nef. La foule des chalands passe, indifférente, au large de ce vaisseau, contournant ceux qui n'ont pu entrer mais dont le regard se tourne avec ferveur vers le lieu des prières.
Vers 22 heures, c'est la fin de la célébration. L'église lentement se vide et les assistants munis de leurs lanternes dont la bougie vacille encore faiblement, se coulent lentement dans le flot des passants.
C'est le moment que choisit l'orchestre du kiosque pour entamer son premier morceau. Décibels au rendez-vous. Sous les étoiles provisoires. "New Soul" par une fausse Yaël Naïm qui ne s'y prend pas trop mal. Le rythme syncopé commence à balancer les corps. Une petite fille juste sortie de l'église confie son lampion marial à sa mère et court rejoindre trois gamins improvisant un joyeux pas de danse.
C'est le 15 août et bientôt, c'est la rentrée. Mais qu'importe ! Ce soir, c'est la fête.

Publié dans HUMEUR DU JOUR

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