CHRONIQUE DE VACANCES (5)

Publié le par jerôme B

IL PLEUT !

                      Photo jfl.

Même le plus ignorant des parisiens en vacances, qui n'aperçoit le ciel que par le puits de lumière de sa cour d'immeuble ou par la tranchée ouverte de sa rue, comprendra que ce ciel d'encre à l'horizon ne présage rien de bon. Un grain s'annonce. La nue menaçante roule sous elle la masse cotonneuse de la pluie. Sur le chemin des douaniers qui surplombe l'océan, aucune agitation particulière. Les parents et les enfants font mine d'ignorer la menace. Pourtant certains pressent déjà le pas, remontant la capuche ou saisissant le parapluie. L'air tourbillonne, s'essaie à queques gifles, s'entête, siffle un peu dans les branches frêles des tamaris. Les graminées plient et s'ébourrifent sous la main caleuse du vent marin. La houle précipite ses énormes ondulations vers la terre. Elles roulent puis déferlent, mousseuses et blanches avant d'exploser sur tout ce qu'elles touchent. Sous le ciel crépusculaire, l'océan noir à l'horizon lointain,  borde encore la côte de franges bleu-roi et émeraude, festonnées d'écume.
On la croyait lointaine, mais l'averse fond maintenant sur la côte sans la moindre précaution. Panique ! Tous aux abris ! Sous les arbres, dans les voitures, où l'on pourra ! Pourtant ce n'est qu'un grain. Mais il est bien nommé. Les premières gouttes ont des impacts de grélons. La nonchalance a fait place à la précipitation et chacun cherche le havre qui lui évitera la saucée. La falaise au poil terni a des allures de chien mouillé. L'été est tout trempé.
Le plus gros est passé. La pluie s'est affinée. Elle tombe maintenant doucement, presque tiède. Paresseuse, elle accomplit sa tâche mélancolique. Le bord de mer déserté, la rue elle même a perdu son animation coutumière. Ceux qui passent ont de bonnes raisons de le faire. La catégorie des oisifs, des lécheurs de vitrines et de glaces, des causeurs en marchant, des beaux égarés, des petits dragueurs de nanas, des petits nomades de vacances, s'est réfugiée dans les appartements, les villas, les bars, les crèperies. pour un peu, on prendrait sa voiture pour se rendre à l'épicerie du coin... Deux heures gâchées quand on a trois semaines pour oublier une année de travail, c'est toujours trop.
Mais le ciel est bon prince. Ce n'était qu'un grain qui s'éloigne aussi vite qu'il était venu. Un trou dans les nuages charbonneux laisse passer un premier chaud rayon, doré à souhait. Comme un sourire. Comme un espoir. Tout ce qui se cachait, s'abritait, ressort aussitôt, comme si de rien n'était. D'ici à ce soir, il reste de belles heures à vivre.
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